GR sans issue by Festas Martine

GR sans issue by Festas Martine

Auteur:Festas, Martine [Festas, Martine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Polars en Nord
Éditeur: Ravet-Anceau
Publié: 2014-04-14T22:00:00+00:00


Manon

* * *

Il fait nuit noire. L’homme dort sur le tapis à mes pieds. Je devine à peine la forme de son corps massif recroquevillé. Sa cage thoracique se soulève au rythme régulier de sa respiration.

Mon corps brûlant ruisselle de transpiration. Surtout ne pas réveiller l’homme. Réfléchir à un moyen de sortir d’ici, de joindre quelqu’un qui puisse m’aider, joindre ma famille… Entravée comme je suis, je n’ai aucune possibilité de m’échapper. Il me faut utiliser la douceur, convaincre cet homme d’appeler les secours. Simuler une aggravation de mon état ? Pourquoi pas ? J’ai déjà, j’en suis certaine, de la fièvre. Quelques convulsions et des propos confus feront l’affaire. J’ai fait quatre ans de théâtre dont une prestation honorable dans Le Malade imaginaire. Il n’y verra que du feu, du moins je l’espère, et sera obligé d’accéder à ma demande.

Le temps s’écoule lentement, rythmé par les battements de mon cœur. L’aube pointe à peine, je me décide enfin à agir malgré la peur qui me tenaille. Je ferme les yeux et rassemble toute mon énergie. Je dois être convaincante et juste élever de quelques degrés la gravité de mon état. Je me concentre sur la douleur là où elle est la plus forte, entre mes omoplates, et l’accompagne de gémissements rauques et de mouvements désordonnés de la tête. La forme recroquevillée s’étire puis se tourne vers moi. Je l’ai réveillé. Surtout ne pas montrer que je l’ai remarqué. À travers le rideau de mes cheveux collés par la transpiration, j’aperçois les contours de son long corps qui se déplie. Il me scrute avec attention. Sa main, énorme et fraîche, se pose sur mon front. J’entrouvre légèrement les yeux et articule faiblement :

— Mam… Maman, c’est toi ? Oui… Je… me lève… tout de… suite. Je sais… on part… dans… trente… minutes. J’ai… français… à 8 heures.

Il ne semble pas réagir à mes propos décousus et reste figé au-dessus de moi, telle une statue de marbre. Je gémis à nouveau et agrippe le drap humide, malgré mon bras entravé. Ce simple mouvement de la main m’arrache un cri de douleur :

— Ah ! Va-t’en… sale… araignée ! Ah ! Maman ! Fais… partir… cette… araignée !

Il sort enfin de son immobilité et se dirige vers l’entrée. Il ne peut pas me laisser dans cet état ! C’est impossible ! Il semble hésiter mais finit par se diriger vers l’évier. J’entends l’eau couler. L’homme revient à mon chevet et pose un gant de toilette mouillé sur mon front. Je ne peux saisir l’expression de son visage dans la pièce trop sombre. Il faut poursuivre, malgré la souffrance, le plan que je me suis fixé.

— Maman… l’araignée… elle est dans mon… œil !

— Là, ça va aller. J’ai fait partir l’araignée.

— Non !… Elle est là ! Je la… sens… sur mon… bras !

— Tout va bien, vous êtes entre de bonnes mains.

— Maman…

— Je m’occupe de vous, tout va bien se passer.

— Non !…

— Je suis secouriste, je vais vous soigner.

— Non… tu ne peux pas…

— Vous allez vite guérir.



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